Reporters Sans Frontières (www.rsf.org)
Communiqué de presse
CAMEROUN
Les journalistes ne sont pas des agents de renseignement
Deux journalistes camerounais ont été convoqués devant le tribunal militaire de Yaoundé le 28 octobre. Il leur est reproché de n’avoir pas dénoncé un projet de déstabilisation de l’Etat.
Le 28 octobre au matin, Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, respectivement journalistes pour les quotidiensMutations et Le Messager, ont comparu devant le tribunal militaire de Yaoundé. A l’issue de l’audience, les deux journalistes ont été inculpés de « non dénonciation » de faits susceptibles d’atteindre à la sureté de l’Etat. Baba Wamé, un ancien journaliste actuellement professeur, est soumis aux mêmes accusations.
« Cette inculpation est très inquiétante pour la liberté de l’information au Cameroun, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Les journalistes n’ont pas à être des collaborateurs des agents de sécurité de l’Etat. Au contraire, ils se doivent de maintenir leur indépendance vis-à-vis du pouvoir s’ils veulent continuer à exercer. Leur demander de se transformer en informateurs des autorités, c’est tuer l’essence même de la profession journalistique. Nous demandons au tribunal militaire d’abandonner les charges qui pèsent contre les deux journalistes. »
Leurs confrères journalistes, venus nombreux pour les soutenir, ont été expulsés de la salle d’audience mais se sont néanmoins réunis devant le tribunal pour manifester leur indignation. Placés sous contrôle judiciaire, les journalistes comparaîtront libres, mais doivent pointer au tribunal une fois par semaine, ne peuvent s’éloigner de Yaoundé, ni s’exprimer publiquement sur l’affaire.
Tout a commencé lorsque Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue ont été informés de la présence d’un cadre militaire rebelle centrafricain à la frontière du Cameroun, qui disposerait d’informations sécuritaires sur le pays. Selon la rédaction de Mutations, jointe par RSF, Félix Cyriaque Ebole Bola a alors écrit au Délégué général à la Sûreté nationale faisant état de ces nouvelles et demandant confirmation. En guise de réponse, le journaliste a reçu un appel de la police pour lui demander de partager les informations dont il disposait et de les tenir au courant s’il en obtenait davantage.
Ainsi s’est arrêté l’échange, jusqu’à ce que la rédaction de Mutations reçoive une convocation au tribunal pour n’avoir pas répondu aux sollicitations de la police. Pourtant, le journaliste n’a jamais été officiellement convoqué. Le refus de partager des informations peut-il exister lorsque la question n’a jamais été posée ?
Interrogé par RSF, Xavier Messe, directeur de publication de Mutations, déclare que ces poursuites sont extrêmement préoccupantes pour le statut de journaliste et la question de la protection des sources. Il explique : « Le Cameroun est dans une situation sécuritaire préoccupante. Tous les jours il y a des attaques à la frontière avec la République centrafricaine, des personnes sont enlevées. Il y a aussi les problèmes sécuritaires causés par Boko Haram au nord. Le gouvernement estime que dans ce contexte, les journalistes doivent coopérer. (...) En effet, nous nous attachons à être responsable. Nous recevons tous les jours des informations, mais nous ne publions pas tout car certaines pourraient créer des troubles à l’ordre public. Nous n’en faisons pas usage car nous assumons la responsabilité du journaliste, surtout en temps de guerre. Mais qu’on ne demande pas au journaliste de devenir agent de renseignement. Si j’avais voulu être gendarme ou policier, je l’aurais fait. Chacun fait son travail. Sinon, nous perdons notre crédibilité et notre conscience de journaliste ».
Le Cameroun est en 131ème position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014
établi par Reporters sans frontières.
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CAMEROON
Journalists are not informants
Two Cameroonian journalists face military court charges of failure to report a destabilization plot.
Journalists Felix Cyriaque Ebole Bola of the daily Mutations and Rodrigue Tongue of Le Messager, were charged following a 28 October military court hearing in Yaoundé with “non-denunciation” of facts potentially endangering state security. Baba Wamé, a former journalist and professor was accused of the same charges.
“This charge prompts great concern for freedom of information in Cameroon,” said Cléa Kahn-Sriber, head of the Africa desk of Reporters Without Borders. “Journalists should not become assets for state security agents. On the contrary, they must maintain their independence from government if they want to continue working as journalists. To demand that they become informants for government agencies is to destroy the essential quality of journalism. We ask the military court to drop these charges against the two journalists.”
Colleagues of the two journalists appeared in court to support them. They were ejected from the courtroom but gathered in front of the court to show their anger at the proceedings.
The two indicted journalists remain free under judiciary supervision. They must report to the court once a week, may not leave Yaoundé, and are barred from commenting about the case.
The matter began when Ebole Bola and Tongue learned of an Central African rebel chief stationed on the border of Cameroon claiming to be in possession of national security information. The editorial staff of Mutations told Reporters Without Borders that Ebole Bola wrote to the national security delegate informing him of this news and requesting confirmation. In response, the police asked the journalist to share information and to provide any updates he might gather in the future.
Communications ceased at that point. Then, Mutations was ordered to court for not having responded to the police request. But the journalist had never received an official subpoena. Can he be charged with not sharing information, when he was never asked to do so?
Xavier Messe, editor of Mutations, told RWB that the case poses grave worries for the status of journalists and their ability to protect sources. He said: “Cameroon faces a grave security situation. Attacks take place every day on the border with the Central African Republic. People are kidnapped. There are also security problems in the north caused by Boko Haram. The government holds that in these circumstances, journalists must cooperate...We are committed to being responsible. We receive information every day, but we don’t publish it all because some items could disrupt public peace and order. We follow that policy because we are committed to journalistic responsibility, above all in wartime. But journalists cannot be asked to become intelligence agents. If I had wanted to be a police officer, I would have chosen that profession. To each his own. Our credibility and our journalistic conscience are at stake.”
Cameroon is ranked 131st of 180 countries in the 2014 Reporters Without Borders world press freedom index
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