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Affaire Habré : Tapis rouge (de sang) pour le ministre tchadien de l’Injustice

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Au moment où les Sénégalais s’apprêtent à fêter l’Achoura, plus connue chez nous sous le vocable de « Tamkharite », une fête marquant le Nouvel an musulman et qui est donc synonyme de pardon, en voilà une visite dont ils se seraient bien passé. Que nous apprend en effet un communiqué de presse des Chambres Africaines Extraordinaires, ce « machin » mis en place par nos autorités pour juger l’ancien chef de l’Etat tchadien, M. Hissène Habré ? Eh bien ceci : « M. Jean-Bernard PADARE, ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Tchad, va effectuer une visite officielle (Ndlr, en fait il est déjà dans nos murs) au Sénégal du mardi 12 au vendredi 15 novembre 2013.
Cette visite s’inscrit dans la perspective de la signature d’un amendement à l’Accord de coopération judiciaire liant les deux pays et qui se rapporte à la remise des personnes détenues à Ndjamena dans le cadre d’une instruction interne et qui sont visées dans les poursuites initiées par les Chambres Africaines Extraordinaires, en l’occurrence MM. Saleh Younouss et Mahamat Djibrine dit El Jonto ». Ceux qui s’attendaient à ce que les autorités tchadiennes livrent aussi le président Idriss Déby Itno, qui préside aux destinées de ce pays depuis la chute du président Hissène Habré qu’il a renversé avec le soutien de la France, ceux-là, donc, devront déchanter. Habré étant poursuivi pour crimes de guerre et actes de torture, on s’étonne toujours que son complice - puisqu’il n’a quand même pas pu commettre tout seul tous les crimes dont il est accusé, vu qu’il était le président de la République dans la période considérée ! — Idriss Deby Itno, qui était le chef de tous les services de sécurité et, à ce titre, a mis forcément la main dans le cambouis, on s’étonne donc toujours que nos glorieuses Chambres Africaines Extraordinaires n’ordonnent pas son arrestation.
Ce serait pour les honorables magistrats qui composent ces Chambres dites africaines (et qui ne comprennent que des juges sénégalais) faire preuve d’ingratitude, assurément. Ledit président Déby, qui gère comme une boutique son pays qui regorge de pétrole, n’a-t-il pas en effet financé pour quatre milliards de francs le procès de son prédécesseur ? Oui, un peu comme un criminel qui prendrait en charge tous les frais occasionnés par le jugement de son complice, y compris les gratifications, indemnités et frais de mission des juges du procès.
En vertu de quoi, le bienheureux Déby peut se permettre de dicter ses volontés aux autorités sénégalaises. Ainsi, c’est au lendemain d’une visite effectuée à Ndjamena au cours de laquelle il avait été reçu comme un roi que le procureur spécial desdites chambres, le juge Mbacké  Fall, avait ordonné la mise en arrestation dans des conditions ubuesques du président Hissène Habré, réfugié dans notre pays depuis 20 ans.
Notre pays où il vivait sans histoire et où il a eu des enfants, de nationalité sénégalaise donc, qui fréquentent aujourd’hui les universités européennes. Par la suite,  ses collègues (du juge Mbacké Fall) de la chambre d’instruction ont eux aussi effectué le déplacement tchadien, et également fait plusieurs « missions » touristiques à Bruxelles, soi-disant pour s’imprégner du dossier ouvert contre Habré par un juge belge.
Quant à Padare, qui revient encore dans notre pays où les autorités lui déroulent à chaque fois le tapis rouge, il était déjà venu à Dakar pour demander au gouvernement d’expulser un blogueur tchadien réfugié dans notre pays et dont les propos et écrits ne plaisaient pas au dictateur de Ndjamena. Eh bien, le Sénégal s’était exécuté dans les 48 heures en expulsant l’infortuné Nguébla, c’est son nom, vers la Guinée ! Fort heureusement pour lui, il a obtenu par la suite un statut de réfugié politique en France. Gageons que le tout-puissant ministre Padare n’osera pas demander aux autorités hexagonales de l’expulser !
Le même Padare s’était aussi signalé en demandant aux autorités sénégalaises de saisir tous les biens de Habré afin que, en cas de condamnation — ce qui, aux yeux de Ndjamena, paraît quasi-assuré —, ces biens puissent servir à indemniser les prétendues victimes tchadiennes de Habré. Là aussi, le gouvernement sénégalais s’était exécuté fissa en servant des sommations aux banques, notaires et autres, pour leur demander de procéder à une saisie de tous les biens du grand résistant africain qu’est le président Hissène Habré.
C’est donc cet homme, Jean-Bernard Padare, dont le gouvernement a apporté la plus grande partie du financement du procès Habré, qui déambule chez nous comme en pays conquis depuis hier mardi. S’il est assuré d’être le bienvenu au niveau des autorités, il n’est pas sûr que les Sénégalais soient particulièrement ravis de le savoir chez eux.
Ah, on allait oublier : étant donné que le ridicule ne tue pas, on vient d’apprendre, qu’en marge de cette visite, « il sera procédé à la signature d’un protocole d’accord entre les cellules de communication des Chambres Africaines Extraordinaires et du Pool judiciaire tchadien ». Et pourquoi pas entre les femmes de ménage des deux institutions pendant qu’on y est ?
MAMADOU OUMAR NDIAYE
« Le Témoin » N° 1143 –Hebdomadaire Sénégalais (  NOVEMBRE  2013)

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