Le Tchad (139e), qui s’est distingué en 2013 par des arrestations et poursuites abusives de journalistes, perd 17 places.
Reporters sans frontières révèle le Classement de la liberté de la presse 2014
Contact : afrique@rsf.org - +33 1 44 83 84 76
Le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 publié par Reporters sans frontières révèle une dégradation importante de la situation dans des pays aussi divers que les États-Unis, la République centrafricaine et le Guatemala, et à l’inverse des améliorations sensibles en Equateur, en Bolivie et en Afrique du Sud. Si la Finlande, les Pays-Bas et la Norvège constituent une fois encore le trio de tête, le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Érythrée demeurent les pires trous noirs de l’information.
“Outil de référence, le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF s’articule autour de sept indicateurs : le niveau des exactions, l’étendue du pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la transparence et les infrastructures. Il place les gouvernements face à leurs responsabilités en permettant à la société civile de se saisir d’une mesure objective et fournit aux instances internationales un indicateur de bonne gouvernance pour orienter leurs décisions”, observe Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
“Le classement de certains pays, y compris des démocraties, est largement affecté cette année par une interprétation trop large et abusive du concept de la protection de la sécurité nationale. Par ailleurs, le Classement reflète l’impact négatif des conflits armés sur la liberté de l’information et ses acteurs. Pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, la Syrie est classée 177ème sur 180 pays”, déclare Lucie Morillon, directrice de la recherche de Reporters sans frontières.
L’indice annuel du Classement, qui synthétise les atteintes à la liberté de l’information dans 180 pays sur l’année écoulée, démontre une légère aggravation de la situation. Cet indice passe de 3 395 points à 3 456 points, soit une augmentation générale de 1,8%. Si la situation reste stable dans la région Asie-Pacifique, elle s’aggrave en revanche en Afrique.
Pour la première fois, le Classement sera disponible en édition papier enrichie, en français, dans la collection Librio de Flammarion. Des analyses régionales et thématiques sont disponibles sur rsf.org en version multilingue. Reporters sans frontières introduit également une visualisation en trois dimensions des performances des 180 pays figurants au classement.
Le classement est établi cette année sur 180 pays contre 179 dans l’édition précédente. Nouvel entrant, le Bélize se situe d'emblée à une place enviable (29e).
Conflits armés, instabilité politique et sécurité nationale
Le classement 2014 souligne la corrélation négative entre les conflits armés et la liberté de l’information. En contexte d’instabilité, les médias constituent des objectifs et des cibles stratégiques pour les groupes ou individus qui tentent de contrôler l’information en violation des garanties apportées par les textes internationaux. La Syrie (177e) talonne le trio infernal en queue de classement. Près de 130 acteurs de l’information ont été tués dans l’exercice d’une mission d’information entre mars 2011 et décembre 2013. Ils représentent des cibles pour le gouvernement de Bachar Al-Assad comme pour les milices extrémistes rebelles. La crise syrienne apporte également son lot de répercussions dramatiques dans toute la région.
En Afrique, le Mali poursuit sa chute pour atteindre la 122ème place. Le conflit au nord du pays s’enlise et empêche une véritable reprise des médias. La République centrafricaine (109e) lui emboîte le pas en reculant de 43 places. En Égypte (159e), la destitution du président Morsi par l’armée conduite par Al-Sissi a libéré une partie des médias qui avaient été muselés par les Frères musulmans depuis leur accession au pouvoir, mais a aussi ouvert la chasse aux journalistes proches de la confrérie.
Loin de ces terrains de conflits, dans des pays qui se prévalent de l’État de droit, l’argument sécuritaire est utilisé abusivement pour restreindre la liberté de l’information. Invoqué trop facilement, la protection de la sécurité nationale empiète sur les acquis démocratiques. Aux États-Unis (46e, -13), la chasse aux sources et aux lanceurs d’alerte sonne comme un avertissement pour ceux qui chercheraient à révéler des informations d’intérêt général concernant les prérogatives régaliennes de la première puissance mondiale. Le Royaume-Uni (33e, -3), qui s’est illustré par ses pressions sur le Guardian, marche dans les pas des États-Unis.
Les exemples de “luttes contre le terrorisme” instrumentalisées par les gouvernements sont nombreux. En Turquie (154e), des dizaines de journalistes sont emprisonnés sous ce prétexte, notamment pour avoir couvert la question kurde. En Israël (96e), qui récupère une parties des places perdues lors de l’édition précédente en raison des conséquences de l’opération Pilier de Défense sur la liberté de l’information, l’impératif de l’intégrité du territoire étouffe régulièrement la liberté d’informer sur le conflit israélo-palestinien. Au Sri Lanka (165e, -2), l’armée fabrique l’actualité en écartant les versions trop éloignées de la vision officielle de la “pacification” des anciens bastions séparatistes tamouls.
Quelques évolutions marquantes
La République centrafricaine, théâtre d'un violent conflit, effectue la chute la plus drastique, soit une perte de 43 places à l’issue d’une année marquée par une violence extrême et des attaques et intimidations répétées contre les journalistes.
Outre la chute de treize places opérée par les États-Unis (46e, -13), la chute vertigineuse du Guatemala (125e, -29) est due à une nette aggravation de la situation sécuritaire des journalistes, marquée par le doublement du nombre d'agressions par rapport à l'année précédente et quatre assassinats.
Au Kenya (90e, -18), la réponse autoritaire très critiquée des autorités à la couverture médiatique de l'attentat de Westgate s'ajoute à des initiatives parlementaires dangereuses pour les médias. Le Tchad (139e), qui s’est distingué en 2013 par des arrestations et poursuites abusives de journalistes, perd 17 places.
Affectée par la crise économique et les poussées de fièvre populiste, la Grèce (99e) cède 14 places.
Les violences, les cas de censure directe et les abus de procédures ont eu tendance à diminuer au Panama (87e, +25), en République Dominicaine (68e, +13) ou encore en Bolivie (94e, +16) et en Équateur (94e, +25). Dans ce dernier pays, le degré de polarisation n’en demeure pas moins très élevé et souvent préjudiciable au débat public.
L'année 2013 a été marquée par quelques évolutions législatives louables, comme en Afrique du Sud (42e, +11) où le Président a refusé de signer une loi jugée liberticide pour les médias. Cette amélioration s’inscrit à contre-courant des autres pays qui se posent comme des modèles régionaux, contraints à la stagnation ou en régression.
La version complète du classement mondial de la liberté de la presse est disponible sur rsf.org.
Reporters Without Borders releases 2014 Press Freedom Index
Contact: afrique@rsf.org - +33 1 44 83 84 76
The 2014 Reporters Without Borders World Press Freedom Index spotlights major declines in media freedom in such varied countries as the United States, Central African Republic and Guatemala and, on the other hand, marked improvements in Ecuador, Bolivia and South Africa. The same trio of Finland, Netherlands and Norway heads the index again, while Turkmenistan, North Korea and Eritrea continue to be the biggest information black holes, again occupying the last three positions.
“The World Press Freedom Index is a reference tool that is based on seven criteria: the level of abuses, the extent of pluralism, media independence, the environment and self-censorship, the legislative framework, transparency and infrastructure, said Reporters Without Borders secretary-general Christophe Deloire. It makes governments face their responsibilities by providing civil society with an objective measure, and provides international bodies with a good governance indicator to guide their decisions.”
Reporters Without Borders head of research Lucie Morillon said: “This year, the ranking of some countries, including democracies, has been impacted by an overly broad and abusive interpretation of the concept of national security protection. The index also reflects the negative impact of armed conflicts on freedom of information and its actors. The world’s most dangerous country for journalists, Syria, is ranked 177th out of 180 countries.”
The index’s annual global indicator, which measures the overall level of violations of freedom of information in 180 countries year by year, has risen slightly. The indicator has gone from 3395 to 3456 points, a 1.8% rise. The level of violations is unchanged in the Asia-Pacific region, but has increased in Africa.
The index is available in print for the first time. An enhanced version is being published (in French) by the French publishing house Flammarion in its Librio collection. The index, together with regional and thematic analyses, continues to be available in English, French and other languages on the Reporters Without Borders website (rsf.org). Reporters Without Borders has also introduced a three-dimensional visualization of the performances of the 180 ranked countries.
This year’s index covers 180 countries, one more than the 179 countries covered in last year’s index. The newcomer is Belize, which has been ranked in the enviable position of 29th.
Armed conflicts, political instability and national security
The 2014 index emphasizes the negative correlation between armed conflicts and freedom of information. In an unstable environment, the media become strategic goals or targets for groups or individuals trying to control news and information in violation of the guarantees enshrined in international conventions. Syria (177th) is rubbing shoulders with the last three countries in the index. Around 130 professional and citizen-journalists were killed in connection with the provision of news and information from March 2011 to December 2013. They are being targeted by both the Assad government and extremist rebel militias. The Syrian crisis has also had dramatic repercussions throughout the region.
In Africa, Mali continued its fall and is now ranked 122nd. Progress in the conflict in north of the country has stalled, preventing any real revival in media activity. Central African Republic (109th) has followed suit, falling 43 places. In Egypt (159th), President Morsi’s ouster by the army led by Al-Sisi freed those media that the Muslim Brotherhood had gagged ever since coming to power, but it marked the start of a witchhunt against journalists suspected of supporting the Brotherhood.
Far from these conflicts, in countries where the rule of law prevails, security arguments are misused as grounds for restricting freedom of information. Invoked too readily, the protection of national security is encroaching on hard-won democratic rights. In the United States (46th, -13), the hunt for leaks and whistleblowers serves as a warning to those thinking of satisfying a public interest need for information about the imperial prerogatives assumed by the world’s leading power. The United Kingdom (33rd, -3) has followed in the US wake, distinguishing itself by its harassment of The Guardian.
There are many examples of governments abusing the “fight against terrorism.” In Turkey (154th), dozens of journalists have been detained on this pretext, above all those who cover the Kurdish issue. In Israel (96th), which regained some of the places it lost in the previous index because of Operation Pillar of Defence’s impact on freedom of information, the territorial integrity imperative often suppresses freedom of information about the Israeli-Palestinian conflict. In Sri Lanka (165th, - 2), the army shapes the news by suppressing accounts that stray too far from the official vision of “pacification” in the former Tamil separatist strongholds.
A few noteworthy developments
Central Africa Republic, currently the site of a violent conflict, suffered the biggest fall, losing 43 places after a year marked by extreme violence and repeated attacks and threats against journalists.
Aside from the 13-place fall by the United States (46th, -13), Guatemala’s dizzying plunge (125th, -29) was due to a sharp decline in the safety of journalists, with four murders and twice as many attacks as the previous year.
In Kenya (90th, -18), the government’s much criticized authoritarian response to the media’s coverage of the Westgate Mall attack was compounded by dangerous parliamentary initiatives. Chad (139th) fell 17 places after distinguishing itself by abusive arrests and prosecutions in 2013.
Suffering from the effects of the economic crisis and a surge in populism, Greece (99th) fell 14 places.
Violence against journalists, direct censorship and misuse of judicial proceedings fell in Panama (87th, +25), Dominican Republic (68th, +13), Bolivia (94th, +16) and Ecuador (94th, +25), although in Ecuador the level of media polarization is still high and often detrimental to public debate.
The past year was marked by laudable legislative developments in some countries such as South Africa (42nd, +11), where the president refused to sign a law that would have threatened media freedom. Contrasting with South Africa’s improvement, other countries regarded as regional models registered no progress or even significant declines.