Le Tchad, puissance régionale ?
4 mars
Alors que l’Afrique centrale a connu de nombreux remous récemment, notamment en République centrafricaine, le GRIP publie une note d’analyse étudiant le rôle du Tchad dans la stabilisation de cette région et son possible statut de puissance régionale.
Pour commencer, les chercheurs du think tank belge soulignent que « le Tchad semble vouloir se positionner en leader dans le système de régulation de la sécurité en Afrique centrale et même au Sahel. » En témoigne la projection de ses militaires en Centrafrique mais également au Mali dans le cadre de l’opération Serval et des Nations Unies. Néanmoins, s’il apparaît qu’aucun pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) – mis à part l’Angola – ne dispose de la puissance militaire du Tchad, celle-ci reste questionnée. Ainsi, si le cas centrafricain a confirmé « la suprématie diplomatique et militaire du Tchad dans l’espace nord de l’Afrique centrale, ainsi que le statut de puissance incontournable acquis notamment dans le conflit malien », il a également montré les limites de la pax tchadiana. En effet, « l’échec du pouvoir de transition incarné par Djotodia reste dans une certaine mesure l’échec de la politique de la procuration sécuritaire de N’Djamena en Centrafrique ». Se pose donc la question de la réalité du leadership tchadien au niveau régional.
Se basant sur les quatre facteurs définis par le politologue Daniel Flemes pour déterminer la puissance régionale, les chercheurs du GRIP note que le Tchad est loin de présenter l’ensemble de ceux-ci. Ainsi, concernant la revendication du leadership, celle-ci s’est matérialisée par l’implication de N’Djamena dans la résolution de la crise malienne, un engagement qui fut d’ailleurs salué par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Mais, en ce qui concerne les ressources matérielles et idéationnelles, « le Tchad apparaît en bien mauvaise position et peut difficilement revendiquer un statut de leadership dans cette catégorie en Afrique centrale ». En effet, malgré ses ressources pétrolières, le pays reste l’un des plus pauvres de la région. Aussi, sur le plan idéationnel, le rayonnement du Tchad reste limité en raison du faible niveau de démocratie qui y règne. Pour ce qui est du recours aux moyens de la diplomatie, N’Djamena s’est récemment doté d’une stratégie visant à réaliser ses ambitions de leadership. Ainsi, le Tchad a obtenu le poste de Secrétaire général de la CEEAC et est parvenu à se faire élire au Conseil de sécurité des Nations unies en 2014. Cela dit, « cet usage de la diplomatie ne semble pas aller au-delà d’ambitions nationales, le Tchad n’étant pas porteur d’un projet régional ou panafricain connu ».
Enfin, concernant le dernier facteur – l’acceptation du leadership, qui correspond au degré de reconnaissance de l’autorité d’une puissance régionale par les autres pays de la région, le Tchad ne peut vraisemblablement pas se targuer de remplir ce critère et ce pour plusieurs raisons. D’abord, « parce que la seule capacité de projection militaire ne suffit pas à accéder au statut de puissance régionale légitime et responsable ». Ensuite, « parce que le statut de puissance régionale du Tchad n’est pas forcement avéré ». Comme le rappelle les chercheurs du GRIP, récemment encore, ce pays était considéré, tout comme la Centrafrique, comme l’enfant malade de l’Afrique centrale. Aussi, même si le Tchad est parvenu à se consolider sur le plan intérieur, il reste que les bases de cette stabilité sont encore fragiles. Surtout, il n’est pas assuré que celle-ci survive au régime du président Idriss Déby qui n’a d’ailleurs pas su encore établir un consensus national sur un modèle pérenne. Dès lors, il est difficile d’entrevoir une acceptation sans réticence du leadership tchadien par les autres pays de la CEEAC.
Au final, s’il est clair que N’Djamena est devenue un acteur incontournable en Afrique centrale, son statut de leader n’est pas certain, hormis sur le plan militaire. D’autant plus que les faiblesses économiques et politiques ainsi que certains balbutiements diplomatiques ne participent pas à faire du Tchad une puissance régionale faisant l’unanimité auprès de ses pairs. Ainsi, il apparaît bien que « la pax-tchadiana (ne soit) pour le moment qu’une pax militaria. »
Sources : GRIP