L'archevêque de N'Djamena, Mathias Ngartéri Mayadi vient de nous quitter. C'est avec une grande tristesse que beaucoup de Tchadiens de tous bords, catholiques ou non, ont appris cette triste nouvelle. Le prélat est décédé dans un avion médicalisé qui le transportait à Lyon pour y subir des examens et soins appropriés. La présidence de la République aurait mis la main à la poche pour assurer cette évacuation sanitaire. Paix à l'âme de celui qui a eu l'honneur d'avoir été le premier évêque Tchadien, le premier et peut-être le dernier à avoir dirigé successivement trois diocèses de renom : Sarh, Moundou et N'djaména.
Ce qui nous amène à réfléchir dans cette circonstance douloureuse, c'est la nature de cette évacuation sanitaire, mode privilégié des Africains nantis pour se soigner. Ngartéri n'est pas le premier et il ne sera pas le dernier à mourir loin de chez lui, loin des siens. Bien d'autres illustres Africains ont perdu la vie au cours de leur évacuation sanitaire, ou mort carrément en Europe, peu après leur arrivée ou quelques jours, ou plusieurs semaines après. On peut citer : Sékou Touré, Félix Houphouet-Boigny, Omar Bongo, Gnassingbé Eyadéma. Ils sont tous morts hors du pays qu'ils dirigeaient de leur vivant. Mobutu Sésé Séko Kuku Gbendu Waza Banga a été traité en Suisse, pour son cancer de la prostate. Félix Malloum, ancien président du Tchad, est mort à Paris, son corps rapatrié par la suite. Djimasta Koibla, serait mort pendant ou après son évacuation en Europe. Le président Algérien, Abdoulaziz Bouteflika vient de sortir de trois mois d'hospitalisation en France. Il est très malade. Pendant sa convalescence (il est même peut-être mourant), il a été désigné par son parti pour être candidat à sa propre succession aux prochaines élections présidentielles. Elle est très longue la liste des personnalités africaines qui ont rendu la vie pendant, ou après leur évacuation en Europe. Pour le moindre malaise, les chefs d'Etat Africains se font évacuer très rapidement à l'étranger. Investir dans son pays dans la santé pour soit-même parait absurde à leurs yeux. Les chef religieux aussi meurent à l'étranger : citons le Sénégalais, feu Sérigne Mansour Sy, chef religieux des Tidianes du Sénégal dont la capitale religieuse est Tivaouane. Le guide religieux a été évacué à Paris. Il a rendu l'âme en France et son corps a été rapatrié au Sénégal. Mathias Ngartéri Mayadi vient donc allonger la liste des personnalités africaines de renom qui meurent en Europe.
Une évacuation en Europe ! Pourquoi ? Parce que les Africains n'ont pas confiance en leur système de santé, à commencer par ceux qui nous dirigent. C'est logique. L'Africain aime le luxe, comme tout le monde : Voiture 4*4 dernier cri qui coûte au moins 50 millions de francs CFA, c'est la voiture des ministres Tchadiens. Mercedes dernier cri. Téléphone portable dernier cri. Les Africains se sont adaptés très rapidement à la haute technologie de la communication: internet, Iphone, Ipad,. Grâce à skype par exemple, L'Africain peut rester chez lui, en Afrique, et téléphoner à son cousin installé aux Etats-Unis. Ils se téléphonent en se regardant en face. Merveilleux n'est-ce pas ?
Quand on suit cette propension fulgurante de l'Africain à s'adapter à la technologie du moment, on pourrait penser qu'il en serait de même pour la médecine. Mais nenni! Dans le domaine de la médecine, les Africains refusent le développement. A N'Djamena, l'Hôpital Général de Référence Nationale est une catastrophe. On peut y mourir de n'importe quoi, même des urgences élémentaires donc guérissables. C'est le cas partout pareil ailleurs en Afrique dans les hôpitaux publics, que ce soit à Yaoundé, Kinshasa, Brazzaville, Bangui ou Dakar, etc, le constat est triste, et le même. Tout se passe comme si les Africains sont allergique au développement quand il s'agit du domaine de la santé. Mais tout cela s'explique quelque part.
Au Tchad et dans la plupart des pays Africains, ce ne sont pas les moyens qui manquent. Il y a de l'argent pour mettre en place la haute technologie médicale pour prendre en charge toutes sortes de maladie, urgence ou non, sans nécessité d'évacuation en Europe. Mais pourquoi ce refus obstiné de la technologie quand il s'agit de la santé pourtant primordiale ? Je me suis de tout temps poser la question, sans trouver une explication satisfaisante. Est-ce l'ignorance extrême ? Nos autorités politiques refusent catégoriquement d'investir dans le domaine de la santé, pour maintenir l'écart entre les riches et les pauvres. Peut-être. Ce n'est pas n'importe qui qui est évacué en France. Le plus grand hôpital de N'djamena est l'Hôpital général de référence nationale. Mais aucune personnalité de renom n'ira se soigner dans cette structure, pourtant théoriquement le plus important du pays puisqu'elle est la référence. Les autorités qui nous gouvernent trouvent peut-être avilissant, de fréquenter une structure sanitaire qu'ils réservent aux pauvres. Du coup, les nantis vivent au Tchad, mais ils ont tous leur médecin traitant en France. C'est comme le propriétaire d'un véhicule qui vit à Moundou et qui a son garagiste à Abéché. Advienne que pourra donc ! Mais en médecine, ça ne pardonne pas. Ceux qui nous dirigent refusent catégoriquement d'investir dans le domaine de la santé. Mais ils en subissent les conséquences, comme tout le monde. Quand ils font face à une vraie urgence médicale, il meurent comme tout le monde, que ce soit dans les airs ou en Europe. N'Djamena se trouvent à au moins 5 heures de vol. Quand on parle d'urgence, c'est qu'il faut agir très rapidement. Très rapidement, ce n'est pas 5 heures. C'est une heure, tout au plus. Une urgence médicale ou chirurgicale ne peut attendre 5 heures sans tenir compte des perturbations de l'organisme au cours d'une évacuation aérienne. Nos dirigeants en sont parfaitement conscients. Mais ils refusent tout investissement qui a trait à la santé : ils préfèrent une évacuation sanitaire en France, mourir dans l'hexagone plutôt qu'une prise en charge rapide et efficace sur place. Leur corps sera rapatrié en avion, dans un cercueil qui sera accueilli à l'aéroport international devant les caméras de la télévision, en présence de toutes les grandes personnalités de la ville... et ensuite, on procédera aux obsèques dignes de leur rang.
Ainsi va l'Afrique.
Revenons à la disparition du désormais Ancien Archevêque de N'Djamena, Mathias Ngartéri. Un communiqué émanant de la présidence cite parmi les œuvres du disparu : "la restauration de la cathédrale Notre-Dame de la paix et la construction de la basilique de N'Djamena avec l'aide de la présidence". Comme quoi, ceux qui nous gouvernement politiquement ou spirituellement poussent leur inconséquence jusqu'à l'extrême : alors que les hôpitaux sont dans le dénuement le plus total, on décide de décaisser plusieurs milliards de nos francs pour financer un lieu de culte. Mais ! Il faut être en bonne santé pour se rendre dans un lieu de culte n'est-ce pas ? Mathias N'Gartéri le sait peut-être maintenant. Espérons que le futur archevêque de N'Djaména prendra le courage de remettre en cause le financement des édifices religieux avec l'argent du trésor public. Il faut arrêter le construction de cette basilique de la honte. Quant à la restauration de la cathédrale Notre Dame de la paix, elle n'a pas non plus sa raison d'être. MODERNISONS LA SANTE : tout le monde y est gagnant !
La mort de Ngartéri hors de nos frontières n'est pas de nature à redonner une conscience à nos gouvernants : ils sont toujours tentés de mourir au moins en France et laisser les pauvres mourir en Afrique. L'équipement moderne de nos hôpitaux n'aura jamais lieu. Le jour où un président Africain se fera traiter chez lui, dans un hôpital public, il faut croire en ce moment-là, qu'un ange est en route, depuis le ciel pour annoncer la fin du monde.
MOURIR EN EUROPE EST UN LUXE RÉSERVÉ AUX NANTIS AFRICAINS
BELEMGOTO Macaoura