Le ridicule ne tue pas en Afrique noire. On dort pendant longtemps et on se réveille un beau matin avec un concept nouveau proposé par des experts tapis dans l’ombre. Comme par enchantement, le concept est partagé et proclamé par l’ensemble des pays africains. Souvenez-vous le cycle des documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) du début des années 2000 après l’échec cuisant des programmes d’ajustements structurels des années 80. Cette stratégie est destinée à résoudre la contradiction majeure qui résulte du fait que les croissances économiques sont fortes dans les pays d’Afrique au Sud du Sahara mais la pauvreté s’y développe de manière inquiétante. Il faut donc bien repartir les fruits de la croissance économique à toutes les couches de la population et notamment en faire bénéficier les populations les plus vulnérables. On veille donc à ce que les budgets publics soient favorables aux départements sociaux (éducation, santé, action sociale, étc). L’intention n’est pas mauvaise en soi mais la mise en œuvre a échoué. Au lieu que les projets permettent de réduire la pauvreté, ils ont enrichi au contraire les responsables des projets et les barons des différents régimes.
Au Tchad, par exemple qu’a-t-on fait des programmes PASS, PARSET, PAEB, PRODEB primaire, PROADEL, PRODPECHE, PADUR, PPLS, PADER ; PADL ; etc etc. les résultats en terme de réduction de pauvreté sont maigres s’ils ne sont pas nuls ou négatifs. Les seuls effets visibles de ces grands projets sont les grosses voitures luxueuses (Toyota, Hard-top) dans lesquelles circulent les chefs de projets et leurs familles. Malgré la série attribuée à SNRP (SNRP 1ère génération, SNRP 2ème génération, SNRP 3ème génération), aucune amélioration possible n’est intervenue dans les conditions de vie des populations. Pire, ces programmes ont contribué indirectement à les appauvrir. Au Tchad, les familles qui mangent aujoud’hui deux fois dans la journée se comptent avec les doigts de la main.
On n’a pas encore tiré toutes les conséquences de ces échecs et nos ingénieurs en terminologie ont trouvé au début des années 2010 le concept Plan National de Développement (PND) ou Plan Stratégique de Développement-PSD). Comme par magie, ce sont tous les pays africains qui parlent de PND ou PSD. L’idée qui est derrière est qu’il n’existe pas deux programmes différents qui soutiennent parallèlement le développement et la réduction de la pauvreté. En luttant pour le développement, on lutte aussi pour la réduction de la pauvreté.
Le développement mesuré par la croissance économique permet d’augmenter la production nationale et donc celle des entreprises. Les quelles entreprises vont plus attribuer des emplois qui génèrent des revenus aux populations. Celles-ci deviennent ainsi moins pauvres. Mais chers dirigeants comédiens, avez besoin de tant d’années pour admettre cette vérité basique en économie ? Notons que ce cheminement de transfert des effets de croissance à la population est celui de l’optique production. Mais il existe aussi la voie de la demande et celle-ci porte essentiellement sur les consommations. L’Etat investit dans les infrastructures routières, la création des écoles et des centres de santé. Ces dépenses affectent positivement le niveau de production. Un mécanisme qui peut avoir des revers dans le cas où cette demande ne parvient pas à être satisfaite par l’offre national et/ou importé. Ainsi donc, en créant les routes, les écoles, les centres de santés, l’Etat estime rapprocher les populations et la circulation des biens, ce qui doit faire baisser les prix et donc propulser la consommation des plus vulnérables. Mais là aussi, nos Etats passent à côté des objectifs visés. Les mafieux créent rapidement des pseudo entreprises à qui on attribue les travaux de construction. Il s’en suit toute la corruption qui entoure les transactions et on réalise les ouvrages de mauvaise qualité. En Afrique du Sud, par exemple , une rue bitumée n’est pas touchée au moins pendant 50 ans. Au Tchad, c’est chaque année, qu’on colmate nos rues bitumées à coup de milliards de FCFA du contribuable tchadien. Comment pourra t-il en être autrement lorsqu’on sait que SNER qui gagne la quasi-totalité des marchés est la propriété de la famille au pouvoir. Voyez-vous l’état des canaux d’évacuation en cette période de pluie à Ndjamena. Des caniveaux crées moins d’un an sont déjà bouchés et les maisons et les rues sont inondées quand il pleut abondamment.
Comme le ridicule ne tue pas dans notre sous-région, nos illustres politiciens économistes nous parlent maintenant des programmes politiques émergents. Le Niger, le Cameroun, le Sénégal, le Tchad même la RCA inexistante vise l’émergence à horizon 2025-2030. Le dictionnaire Larousse définit ‘émerger’ comme le fait de quitter un état et dans notre cas l’état d’extrême pauvreté. Plus loin, le dictionnaire parle d’émerger du sommeil. Entre vous et moi, peut-on quitter un état lorsqu’on ne connait pas les causes de cet état ? C’est comme un malade qui déclare vouloir se débarrasser de sa maladie sans identifier les causes de cette maladie. Lorsqu’un pays est incapable de fournir de l’eau potable, de l’énergie à la moitié de sa population, comment peut-il devenir émergent. Comment peut-on devenir émergent si plus des 80 % de la population ne mange pas à sa faim ? S’il vous plait, l’émergence n’est pas un mot mais un comportement. Les pays émergents d’Asie et d’Amérique du SUD ont-ils fait tant de publicités et de médiatisations autour de leur processus d’émergence ? Ils ont travaillé dans la discrétion et les résultats sont là aujourd’hui. Ils talonnent les plus grandes puissances mondiales.
Je voudrais simplement dire que nos dirigeants doivent apprendre à être sérieux. Car derrière leurs actes et leurs décisions, c’est la vie de leurs populations qui est en jeu. L’émergence ne se décrète pas mais s’obtient par une discipline et une pratique orthodoxe de tous les jours. Pensez-vous qu’un régime comme le MPS incapable de fournir de l’électricité à la population depuis 1990 (23 ans) peut-il apporter l’émergence au Tchad ? Peut-on faire émergence avec des fonctionnaires qui ont passé tout leur les temps à détourner les fonds publics ? Oui, l’émergence commence par placer l’homme qui faut à la place qui faut. Comment des ministres tchadiens accusés de détournements des fonds publics et non acquittés sont-ils promus à des hauts postes de responsabilité. Tenez-vous bien, j’ai vu la semaine dernière un ancien ministre de commerce à télévision en qualité de gouverneur d’une région du Tchad. Cet ex-ministre a été accusé de détournement, demis de ses fonctions ministérielles et mis en tôle. Je le croyais toujours en prison et quelle n’a pas été ma surprise de le voir en qualité de gouverneur. Je ne dis pas qu’il est effectivement coupable mais a-t-il été déjà blanchi avant d’être bombardé gouverneur ? Tout cela est ridicule et ne concours pas à la réalisation d’un état émergent tel que voulu par le régime.
Je suis étonné et j’en ris même que le mot émergent apparait dans plusieurs pays au même moment. Quelle coïncidence curieuse ? Certainement que nos vendeurs occidentaux des illusions ont trouvé un fonds de commerce appelé émergence mais la jeunesse africaine ne doit pas se laisser faire. Je suis peut être extrémiste mais les pays africains n’ont pas besoin de tous ces programmes et projets financés par les bailleurs de fonds occidentaux et qui visent de manière inavouée à nous maintenir dans un état de pauvreté et de dépendance extrême. Pourquoi ne pas suspendre tous les coopérations, les projets et programmes venus d’ailleurs pour une période à déterminer et faire l’expérience sans eux pour comparer les deux résultats ? je peux me tromper mais les coopérations actuelles sont inutiles et même destructrices de nos économies.
En attendant, je crains que l’émergence économique annoncée des pays africains se transforme en effondrement économique.
Hongramngaye2014@yahoo.fr