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Un Etat sécuritaire sans sécurité : l'insupportable paradoxe tchadien

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MOUVEMENT DU 3 FEVRIER

 

Communiqué n°008

 

Si Alfred Jarry était encore de ce monde, il en ferait une nouvelle suite des aventures de son despote fantoche et incompétent, le fameux Ubu Roi. L'intrigue en serait simple : un Etat sécuritaire, surveillant étroitement sa population, disposant pour se faire d'une police politique des plus efficaces et n'arrivant pourtant pas à maintenir l'ordre dans sa propre capitale. Ajoutez à cela que cet Etat passe pour compter une des polices militarisées les plus puissantes du continent africain et vous obtenez un opus inédit des aventures de Ubu non plus en Pologne comme dans l'oeuvre originale mais bien au Tchad.

 

Cette histoire, c'est un peu tout à la fois l'arroseur arrosé, les moulins à vents qui se retournent contre Don Quichotte, Frankenstein qui échappe à son inventeur. Cela en serait presque ubuesque (oui, c'est le mot) si la situation sécuritaire régnant actuellement à Ndjamena n'avait pas occasionné tant de tragédies. En effet, depuis quelques semaines, des commerçants, cambistes ou même simples citoyens comme le Docteur Nehemie sont victimes de braquages meurtriers, le plus souvent perpétrés en plein jour. Les véhicules et les domiciles des particuliers sont également la cible de maraudeurs surarmés qui ne semblent vouloir reculer devant rien pour accomplir leur forfait. Chaque jour qui se lève est l'occasion de dénombrer de nouveaux morts, brebis innocentes sacrifiées sur l'autel de la convoitise humaine.

 

Pour un régime qui se targue d'avoir fait revenir la paix au Tchad, le camouflet est cinglant. Aujourd'hui, dans la capitale, en plus de la peur d'exprimer une quelconque critique à l'endroit du pouvoir en place, s'est ajoutée la peur d'être attaqué et de se voir ôter la vie en plus de ses biens. Et malgré la multiplication des patrouilles policières et la création de 7 nouveaux commissariats, le gouvernement d'Idriss Deby ne semble pas être en mesure d'améliorer un tant-soit-peu la situation. Plusieurs raisons peuvent ici être invoquées :

  • La restructuration de la police opérée au début de l'année dernière. Sous couvert de mettre fin au népotisme qui y régnait et de la professionnaliser, Idriss Déby en a profité pour écarter des cadres jugés peu fidèles. Désormais, la police est noyautée par les proches du Président et il n'est désormais pas rare de croiser un membre du clan Itno arborant fièrement ses étoiles de général de police, alors même qu'il n'a aucune formation en la matière.
  • La nomination à sa tête du Général Tahir Erda, un illettré notoire impliqué dans plusieurs affaires de corruption. Son incapacité à mettre fin aux braquages a été mise en évidence ces dernières semaines. Pire, certains soupçonnent des membres de son entourage d'être eux-mêmes à l'origine d'une partie de ces attaques abjectes. Par ailleurs, un autre proche de Deby, le sinistre Mahamat Ismaël Chaibo, ancien directeur de la police politique ANS et actuel conseiller à la sécurité, a lui aussi démontré qu'il était plus apte à arrêter des opposants qu'à assurer la sûreté de ses concitoyens.
  • Les frontières poreuses avec le Nigeria, la Centrafrique, et le Cameroun. L'inaptitude des autorités à mettre en place des contrôles réguliers et efficaces aux frontières semble avoir été une des causes majeures des braquages. En effet, ces derniers semblent généralement avoir été commis par des étrangers, qui se seraient récemment installés dans la capitale.

 

Alors que, pendant ce temps, à Amdjarass, le MPS déploie des banderoles clamant « Idriss Deby Itno, un don de Dieu pour le Tchad, une bénédiction pour l'Afrique, une merveille pour le monde », la colère des ndjamenoises et des ndjamenois gronde. Délaissés par un pouvoir mégalomane qui n'a cure de leurs problèmes, indignés que Ndjamena soit devenue la deuxième capitale la plus dangereuse au monde juste après Bagdad (étude du cabinet canadien Mercerconsulting), ils sont au bord de la révolte.

 

Conscient de l'incurie généralisée qui règne au niveau gouvernemental et faisant preuve d'empathie à l'égard des victimes de l'insécurité, le M3F avance plusieurs pistes de réformes :

  1. Fusionner et refonder les corps de la police et de la gendarmerie dans une seule entité structurée et efficace. Cette nouvelle police, qui aura absorbée la gendarmerie, organe superflu au Tchad, sera démilitarisée et placée sous la tutelle du Ministère de l'Intérieur. Elle retrouvera ainsi sa vocation première, à savoir être véritablement au service du citoyen. Son budget, actuellement famélique pour les deux corps (12,3 milliards de FCFA pour la gendarmerie et 12,1 milliards pour la police), devra bien entendu être revu à la hausse.
  2. Créer réellement des cellules d'élites anti-gangs spécialisées dans la traque des braqueurs. Pour l'instant, l'annonce de la mise sur pied de ces cellules est restée lettre morte.
  3. Donner à l'Ecole de Police les moyens qu'elle mérite réellement, notamment en lui permettant de former les aspirants-policiers et les aspirants-commissaires aux techniques innovantes utilisées par les braqueurs (voir à ce sujet l'excellent article de Tchad Infos : http://tchadinfos.com/societes/education/tchad-une-formation-rabais-lcole-de-police/)

 

Nonobstant, ces réformes ne pourront être mises en oeuvre qu'une fois Idriss Deby chassé du pouvoir avec le concours du M3F. C'est pourquoi nous appelons l'ensemble des tchadiens à exprimer leur insatisfaction par des manifestations de masse pour que jamais, plus jamais, un innocent ne soit assassiné parce qu'il aura été laissé sans protection par un régime ayant préféré surveiller son peuple plutôt que de le secourir.

 

Fait à Bondy le 4 avril 2014,

 

Collectif

 

 

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